Territoires

Le théâtre antique d’Orange fait résonner le passé avec le futur grâce aux nouvelles technologies


Grâce au projet décennal porté par le groupe Edeis, le théâtre antique d’Orange propose cette année, avec la deuxième édition de L’Odyssée sonore, une expérience immersive multisensorielle inédite. Mathilde Moure, sa directrice, nous dévoile les leviers qui positionnent aujourd’hui le site comme un véritable laboratoire de haute technologie.

Mathilde Moure, directrice du théâtre antique d’Orange - © D.R.
Mathilde Moure, directrice du théâtre antique d’Orange - © D.R.

Le théâtre antique propose cette année une version augmentée du spectacle L’Odyssée sonore, créé l’an dernier. D’où vient cette ambition d’accroître l’expérience immersive des spectateurs ?

M.M. : C’est une vision portée par le groupe Edeis en 2022, dans le cadre du renouvellement de la délégation de service public pour la gestion du patrimoine orangeois. C’est avec cette vision qu’Edeis a remporté le contrat sur la période 2022-2031. Ses dirigeants ont convaincu les autorités décisionnelles du bien-fondé de cette ambition pour le développement et l’attractivité d’Orange, de son patrimoine, et plus largement du territoire.

Cette initiative avait pourtant déjà été testée il y a quelques années…

M.M. : Tout à fait. Ce choix a été amorcé en 2018 avec la création de l’une des premières expériences historiques en réalité virtuelle pour un site patrimonial en France. Le théâtre antique est de fait un pionnier de l’expérience immersive au service de la valorisation du patrimoine et du renouvellement des publics. Il a fallu attendre 2023 pour que le site soit doté de son premier spectacle son et lumière. L’an dernier, l’expérience proposait un son géolocalisé et spatialisé, ainsi que des images générées avec le support de l’intelligence artificielle. L’Odyssée sonore a d’ailleurs été lauréat du CES 2024 Innovation Awards de Las Vegas dans la catégorie « Content & Entertainment ».

Pourquoi privilégier tout particulièrement l’immersion sonore ?

M.M. : L’Odyssée sonore fait écho à l’âge d’or du théâtre antique. À sa construction, il y a 2 000 ans, il était déjà à la pointe des techniques architecturales. Les ingénieurs de l’Antiquité avaient parfaitement compris les vertus de l’acoustique en construisant un monument dans lequel un acteur seul sur scène était audible par 10 000 personnes, y compris celles placées tout en haut des gradins. C’est donc cette tradition du génie romain que nous entendons prolonger avec ce spectacle nocturne son et lumière.

Quelles sont les particularités techniques de L’Odyssée sonore ?

M.M. : Le vidéo mapping, assuré par la société Cosmo AV, repose sur 25 vidéoprojecteurs qui exploitent plus de 5 000 m² au sein du monument, dont un écran géant incomparable : le mur du théâtre, qui mesure 60 m de long par 40 m de haut. C’est une installation pérenne, puisqu’ils sont installés dans des caissons d’isolation ventilés qui leur permettent de résister à toute condition météorologique.La partie sonore, quant à elle, est traitée en équipement individuel binaural pour une restitution optimale. C’est un équipement de haute technologie 100 % français développé par l’entreprise Focal.

Comment composez-vous avec la nécessité d’attirer un nouveau public en utilisant l’intelligence artificielle, tout en respectant les amoureux de la pierre ?

M.M. : En gardant en tête que nous sommes des passeurs d’histoires. Les innovations technologiques sont de merveilleux outils d’aide à la créativité, mais il ne faut jamais s’éloigner du lieu, qui est et restera toujours la première source d’intérêt du public. Avec ce spectacle, nous faisons résonner le passé avec le futur, en transformant la plus ancienne salle de spectacle à ciel ouvert du monde en la plus moderne. Ce n’est pas anodin si, parmi les commentaires laissés dans le livre d’or du site, celui qui revient souvent est : « Merci d’utiliser la technologie à bon escient. » C’est le meilleur des compliments, car cela signifie que nous sommes dans le vrai et que le patrimoine universel est bien valorisé.

Comment cette approche se traduit-elle au niveau de la fréquentation du site ?

M.M. : La première édition de L’Odyssée sonore a réuni 15 000 spectateurs sur l’ensemble de l’année 2023, et sensiblement le même total en 2024. On espère accroître significativement le nombre de visiteurs avec cette nouvelle version 2025.

Vous mettez un soin particulier à susciter l’interaction avec le public. Est-ce un levier essentiel du dispositif ?

M.M. : C’était déjà le cas dans la première version, même si l’approche artistique y était privilégiée, davantage que l’aspect innovant de la technologie. Or, le public l’a découverte avec un peu de distance, en regrettant un manque de sens dans le dispositif. Nous avons donc tenu compte de ce retour pour proposer cette année un nouveau voyage dans l’interaction et la narration, en plongeant le public au cœur de la démarche créative. Sur la partie sonore, nous avons complètement repensé le spectacle, en faisant appel aux plus grands spécialistes des parcours sonores, et avons créé une nouvelle narration liée à la mythologie.

Cette approche immersive est-elle déclinée sur d’autres événements musicaux au sein du théâtre antique ?

M.M. : L’impact de L’Odyssée sonore a effectivement donné des idées aux producteurs et artistes qui se produisent sur le site. Aujourd’hui, ils viennent sur la scène du théâtre antique avec leur propre show. Nous avons par ailleurs créé en coproduction un festival de musique électronique et de mapping, le Positiv Electronic Festival, qui est devenu un rendez-vous incontournable pour les amoureux de la musique et du patrimoine.

Quel est le budget alloué au spectacle ?

M.M. : L’enveloppe globale du projet Edeis sur les dix prochaines années pour faire du théâtre antique un laboratoire de haute technologie est de 10 millions d’euros.

Pour finir, que diraient les bâtisseurs du site, selon vous, s’ils pouvaient découvrir ce spectacle ?

M.M. : Je pense qu’ils seraient amusés de découvrir les moyens déployés pour le produire. Les architectes et les physiciens de l’Antiquité n’en utilisaient que deux : la géométrie et l’oreille ! La finesse de leur sens allait de pair avec la finesse de leur esprit.

OSZAR »